Saviez-vous qu’un champignon microscopique avait changé le cours de l’humanité ?
L'ergot de seigle est un champignon est aux puissants pouvoirs.
En raison de sa composition chimique complexe, il est capable du pire comme du meilleur.
En effet, si vous le mettez dans votre assiette, vous risquez une intoxication.
Or, ce champignon est également à l'origine d’une substance aux nombreux bienfaits pour la santé mentale : le LSD.
Comment ce champignon peut être à la fois ange et démon ? C’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article.
L'ergot de seigle : un champignon aux multiples facettes
Avant de vous expliquer son implication dans le processus de fabrication du LSD, présentons ce petit champignon.
L'ergot du seigle, aussi appelé Claviceps purpurea, est un champignon parasite, c'est-à-dire qu’il vit aux dépens de son hôte (autre organisme vivant).
Être parasite, c’est se nourrir des substances produites par son hôte, mais c’est aussi bien souvent lui causer des dommages, voire la mort.
L’ergot de seigle affecte principalement le seigle, mais peut également se développer sur d'autres graminées comme le blé ou l'orge.
Il est connu depuis des siècles pour ses effets toxiques sur l'homme et les animaux, causant une maladie appelée l’ergotisme.
Ainsi, loin de se limiter à son rôle de précurseur du LSD, l'ergot de seigle a hanté les populations européennes pendant des siècles.
En effet, ce champignon parasite a empoisonné des millions de personnes au Moyen Âge et à l'époque moderne.
Les symptômes de cette terrible affliction étaient aussi variés qu'effroyables : gangrène des membres, hallucinations, convulsions, psychoses et même la mort.
En parlant d’histoires effrayantes de l’époque moderne, connaissez-vous celle des sorcières de Salem ?
Selon une hypothèse de la scientifique Linda Caporael, l’ergot de seigle serait à l'origine de l'épidémie ayant conduit aux procès des sorcières de Salem. Cette théorie soutient que les habitants de Salem (ville du Massachusetts aux États-Unis) auraient consommé du pain fait à partir de seigle contaminé par le champignon. Les décès qui en ont résulté ont été attribués à des prétendues sorcières, entraînant la condamnation à mort de 14 femmes et 6 hommes sur le bûcher.
Plutôt effrayant non ?
Cependant, l'ergot de seigle n'était pas uniquement porteur de malheurs.
Dès le XIe siècle, ses propriétés médicinales étaient également connues.
On l'utilisait pour stimuler les contractions utérines lors des accouchements et arrêter les hémorragies. Une utilisation qui perdurera jusqu'au XXe siècle, avant l'arrivée de médicaments plus sûrs et plus efficaces.
L'ergot de seigle et la naissance du LSD
Albert Hofmann (1906-2008)
C'est au début du XXe siècle que l'ergot de seigle croise la route d'un chimiste suisse nommé Albert Hofmann.
Travaillant pour le laboratoire Sandoz, Hofmann s'intéresse à l’ergotamine, un composé chimique naturel de l’ergot de seigle utilisé pour traiter les migraines.
En 1938, alors qu'il synthétise des dérivés de l'ergotamine, Albert Hofmann absorbe accidentellement une dose de LSD-25, l'un des nombreux composés qu'il a créé synthétiquement.
Ce qui s'ensuit est une expérience psychédélique intense qui le propulse dans un état de visions extraordinaires et d'altération de la perception. Hofmann venait de découvrir une substance d'une puissance insoupçonnée, capable de modifier profondément la conscience humaine.
Cette expérience marque la naissance du LSD, aujourd’hui connu et défini comme une substance psychoactive puissante ayant des effets hallucinogènes intenses.
Vous comprenez alors pourquoi il y a des chances que les habitants de Salem n’aient pas été touchés par un mauvais sort, mais plutôt par une intoxication au LSD ?
Du laboratoire aux portes de la perception
Première révolution psychédélique
La découverte d’Hofmann marque le début de la révolution psychédélique.
Dès lors, le LSD connaîtra diverses utilisations.
Tout d’abord, il est testé cliniquement pour son potentiel thérapeutique dans le traitement de l'anxiété, de la dépression et de l'alcoolisme.
Par ailleurs, la CIA s'y intéresse dans un chapitre sombre et controversé de la guerre froide. Pendant des décennies, l'agence américaine mènera des programmes secrets visant à explorer le potentiel du LSD comme arme psychologique, outil d'interrogatoire et moyen d'améliorer le contrôle mental.
À partir des années 1970, les effets secondaires imprévisibles du LSD et les risques de "bad trips" (expériences négatives intenses) conduisent à son interdiction progressive dans la plupart des pays.
Malgré son interdiction, le LSD continue de fasciner et d'attirer les curieux en quête d'explorations mentales hors du commun. Sa popularité dans la culture underground et hippie des années 1960 a contribué à son image de substance psychédélique emblématique, associée à la musique, à l'art et à la philosophie psychédéliques.
La seconde révolution psychédélique
Après des décennies d'interdiction suite aux abus des années 1960 et 1970, les substances psychédéliques reviennent sur le devant de la scène scientifique et thérapeutique.
Ce retour s’explique à la fois par un besoin d’innovation en santé mentale, une ouverture d’esprit croissante vis-à-vis des substances psychédéliques et par des résultats très prometteurs.
En effet, des études cliniques récentes ont montré des résultats encourageants dans l'utilisation de psychédéliques pour traiter des troubles tels que la dépression, l'anxiété, le stress post-traumatique et la dépendance.
C’est ainsi qu’est née la thérapie psychédélique.
Cette approche prometteuse combine l'administration de substances psychédéliques, telles que la psilocybine ou le MDMA, à une thérapie psychologique guidée.
Durant ce processus, une substance psychédélique est administrée au patient dans un environnement sûr et contrôlé. Le but de la thérapie psychédélique est de profiter du voyage offert par les psychédéliques pour trouver les raisons profondes de ses troubles.
Ce type de thérapie présente des avantages intéressants par rapport aux thérapies conventionnelles.
En effet, si les thérapies conventionnelles et les médicaments antidépresseurs agissent sur les symptômes, la thérapie psychédélique travaille plutôt sur les raisons sous-jacentes des problèmes de santé mentale.
De même, si la thérapie conventionnelle peut prendre des semaines voire des mois avant que son effet ne se ressente chez le patient, la thérapie psychédélique peut engendrer des prises de conscience profondes après une seule séance.
Pour le moment, seuls l’Australie et quelques États des États-Unis autorisent l’accès aux séances de thérapie psychédélique.
Arriveront-elles un jour en France ?
Conclusion
L'ergot de seigle est un champignon toxique ayant causé de nombreuses intoxications.
Cependant, il est également à l’origine de la création du LSD, une substance aux nombreux bienfaits pour la santé mentale.
Après une longue période de diabolisation, la recherche scientifique internationale commence à reconnaître le potentiel thérapeutique de cette substance.
Il est important de souligner que la recherche est toujours en cours.
Par conséquent, toute approche thérapeutique de cette substance doit être encadrée par des professionnels de santé qualifiés.
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