Avez-vous entendu parler du procès des sorcières de Salem ?
Je vous parle ici d'un gigantesque procès en sorcellerie.
Celui-ci s’est déroulé en Amérique du Nord à la fin du XVII ième siècle.
Cela se passe dans le Massachusetts dans la ville de Salem.
Au terme de ce procès, 14 femmes et 6 hommes sont condamnés pour des actes de sorcellerie. Ces personnes sont accusées d’avoir envoûté des centaines d'habitants de la région.
À ce jour, il existe de nombreuses zones d’ombre autour de cette affaire.
Jusqu’à ce jour, ce procès est considéré comme étant le résultat du sectarisme religieux des colonies anglaises d'Amérique.
Or, il demeure une énigme. Comment expliquer les faits décrits dans les chefs d'accusation ?
Les victimes de ces actes auraient connu des convulsions et des hallucinations. L’un des médecins évoque même la possibilité d’une possession satanique. Est-ce que ces accusations étaient le fruit de l’imagination débordante de l'inquisition ? S’agissait-il de phénomènes impossibles à expliquer rationnellement à l’époque.
La thèse de la scientifique Linda Caporael apporte un début de réponse à cette question. Les victimes de Salem auraient subi une intoxication causée par un champignon mortel. Il s’agit d’un champignon à partir duquel a été synthétisé le LSD : l’ergot de seigle (Claviceps purpurea).
Et si la population de ces villages avait connu une hystérie collective suite à la consommation de champignons hallucinogènes ?
Dans cet article, je vous propose de mener l’enquête sur la chasse aux sorcières de Salem.
Les coulisses du procès de Salem
Le procès des sorcières de Salem se déroule dans un contexte historique et socioculturel bien spécifique.
Tout d’abord, cet événement se déroule lors d’une période climatique particulièrement froide appelée “Petit âge glaciaire”. Les hivers sont particulièrement rigoureux et les récoltes extrêmement mauvaises. Cela a pour effet de créer un malaise certain au sein des populations.
Par ailleurs, à cette époque, l’Église catholique possède une grande influence. Au XVIIième siècle, l'inquisition fait régner une terreur morale au sein des populations.
La ville de Salem s'insère ainsi dans ce contexte culturel où la vie des habitants est dictée par les sermons bibliques.
Parmi les superstitieuses religieuses, l’une d’elles est que la décadence de la société est le fruit d’une colère divine. Les êtres humains méritent donc bien d’être châtiés en retour.
Dans ce cadre, les condamnations pour actes de sorcellerie ne sont pas rares. Les sorcières sont les boucs émissaires des maux de l’époque.
Or, le procès des sorcières de Salem a poussé ces accusations à leur paroxysme pour faire entrer la population dans une hystérie générale.
Comment expliquer ce phénomène ?
Un champignon magique à l'origine du scandale
La thèse de l’intoxication aux champignons hallucinogènes des habitants de Salem vient de la scientifique américaine Linda Caporael.
Dans cet article publié en 1976, Linda Caporael avance que les symptômes d'envoûtement étaient en réalité le résultat d’intoxications à l'ergot de seigle.
Linda Caporael a cette intuition après l’examen d’un fait divers aux allures similaires survenu dans l'hexagone en 1951. Il s’agit de “l’affaire du pain maudit”.
Lors de l'été 1951, La population de la petite commune française de Pont-Saint-Esprit, est victime d’une série d'intoxications alimentaires.
Le bilan est de 5 à 7 morts, une cinquantaine de personnes internées dans des hôpitaux psychiatriques et 250 personnes souffrant de symptômes plus ou moins graves et durables.
D’après la justice, la cause de ces intoxications viendrait d’une farine avariée. Car à cette époque de l’après-guerre, après l’occupation allemande, la France souffre d’importantes pénuries alimentaires. Cette situation économique du pays rend plus difficile la production d’une farine de qualité.
Or, les symptômes décrits dans “l’affaire du pain maudit” rappellent fortement les événements de Salem.
La théorie de Linda Caporael est que le pain des Spiripontains était contaminé par de l’ergot de seigle. Les habitants du village auraient été victimes d'une maladie bien connue au Moyen-Âge : l'ergotisme.
L'ergot de seigle : l’histoire d’un champignon hallucinogène
L’ergot du seigle est une excroissance fongique qui s'immisce sur les grains de blé ou de seigle. Cette excroissance de couleur noir apparaît sur certains épis lorsque leur taux d’humidité est propice à leur développpement. Il s’agit d’un champignon parasite qui contient des substances qui peuvent provoquer de puissantes hallucinations : les alcaloïdes.
Ce champignon parasite peut parfois contaminer le pain ou la farine, provoquant alors des risques d'intoxications alimentaires importantes. Au Moyen-Âge, de nombreuses épidémies ont frappé les populations par la simple consommation de pain. Ces épidémies étaient surnommées le “mal des ardents” ou “feu de saint antoine”. Elles provoquent de véritables hécatombes au sein des populations.
A cette époque, en raison de l'absence d'explication scientifique de ce phénomène, nos ancêtres considèrent ce phénomène comme étant l'œuvre des sorcières.
Véritable traumatisme à l’époque médiévale, deux grands peintres de la renaissance flamande et nordique ont fait référence à cette maladie. Vous pouvez notamment y voir des traces dans “La tentation de Saint Antoine” de Mathias Grunewald ainsi que l'œuvre du même nom de Jérôme Bosch.
Aujourd’hui, cette maladie est connue sous le nom “d'ergotisme". Il s’agit d’une intoxication alimentaire par une mycotoxine. Cette épidémie était courante au Moyen-Âge en raison des modes de productions très rudimentaires de la farine. En effet, les boulangers broyaient souvent les épis de seigle en même temps que les champignons ce qui produisait des farines avariées.
De l’ergot de seigle à l’invention du LSD
L'invention du LSD est attribuée au chimiste suisse Albert Hofmann. Dans les années 1930, Albert Hofmann et son collaborateur Arthur Stoll étudient les alcaloïdes de l’ergot de seigle dans le laboratoire pharmaceutique Sandoz à Bâle.
En 1938, par un curieux hasard, Albert Hofmann synthétise le LSD. Cinq années plus tard, il en consomme par inadvertance une infime dose. Il fait alors l'expérience de ses effets hallucinogènes. Cette découverte marque alors le début de la révolution psychédélique.
Le LSD est testé dans le domaine de la santé mentale. Il est également utilisé par la CIA comme sérum de vérité. Puis dans les années 1950-1960, le LSD devient le carburant favori de la génération hippie.
Finalement, les victimes des sorcières auraient peut-être fait l’expérience à leurs dépens d’un trip au LSD ?
Cependant, la thèse d’une intoxication à l’ergot de seigle est encore controversée.
Dans cet article de l’historien Nicholas Spanos, l’auteur affirme que les véritables symptômes de l’ergotisme ne correspondent pas tout à fait aux descriptions effectuées à l’époque.
Par ailleurs, la maladie des habitants de Salem aurait pu être causée par d’autres facteurs. Par conséquent, il nous faut rester prudent sur cette thèse.
Conclusion
À ce jour, de nombreux experts affirment que les procès de Salem sont le fruit d’une hystérie communautaire associée à de fortes croyances au surnaturel.
Peut-être que ce délire collectif sur fond de misogynie et d'obscurantisme aurait suffit à provoquer ce massacre.
Certaines sources affirment que le pouvoir politique établi à Salem aurait également eu un rôle important dans cette tragédie.
Cependant, l’hypothèse d’une intoxication alimentaire à l’ergot de seigle reste très sérieuse.
Sources et références :
Caporael, L. R. (1976). Ergotism: The Satan loosed in Salem? Science, 192(4234), 21–26. https://doi.org/10.1126/science.769159
Contributeurs aux projets Wikimedia. (2023). Petit âge glaciaire. fr.wikipedia.org. https://fr.wikipedia.org/wiki/Petit_%C3%A2ge_glaciaire
Edwards, P., & Caswell, E. (2015, October 29). The hallucinogens that might have sparked the Salem witch trials. Vox.
https://www.vox.com/2015/10/29/9620542/salem-witch-trials-ergotism
Spanos, N. P., & Gottlieb, J. (1976). Ergotism and the Salem Village witch trials. Science, 194(4272), 1390–1394. https://doi.org/10.1126/science.795029
Trincardi, G. (2016, May 3). LSD et blé contaminé : une théorie sur la chasse aux sorcières de Salem. Vice.
Lewis, Jone Johnson. "The Role of Witch's Cake in Salem." ThoughtCo, Mar. 11, 2021, thoughtco.com/definition-of-witchs-cake-3528206.
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