Pourquoi nos ancêtres consommaient des champignons magiques ?
En Australie, dans la région du Kimberley se trouve une mystérieuse peinture aborigène.
Abritée dans une grotte, cette fresque rupestre interroge des chercheurs du monde entier. On peut y voir des hommes aux têtes de champignons.
D’après le neuroscientifique australien Jack Pettigrew, ces dessins seraient une trace de l’usage de champignons magiques par nos ancêtres.
Ces champignons étaient consommés lors de cérémonies religieuses.
Leur consommation était une épreuve initiatique, récompensée par un élargissement de la conscience.
Quelle est la spécificité de ces champignons hallucinogènes ou psilocybes ?
Comment agissent les champignons psychédéliques sur le cerveau ?
Je vous propose de découvrir dans cet article les origines de ces champignons et leurs effets.
Qu'est-ce que sont les psilocybes ?
Les psilocybes, aussi connus sous le nom de “champignons magiques”, sont une variété de champignons aux effets hallucinogènes. L’action sur le cerveau de ces champignons provient d’une substance psychoactive : la psilocybine.
Les espèces les plus courantes de psilocybes sont : le Psilocybe mexicana, le Psilocybe semilanceata, le Psilocybe cyanescens et le Psilocybe cubensis.
Ces champignons sont souvent de petite taille, de couleur brune à jaune-brun, avec un chapeau en forme de cône.
Les psilocybes s’utilisent depuis des temps très anciens. Ils étaient consommés traditionnellement dans les cultures précolombiennes pour induire des états modifiés de conscience dans le cadre de cérémonies religieuses ou rituelles.
Plus récemment, ces champignons s'utilisent dans le traitement de certaines maladies mentales.
Rappelons ici que ces champignons sont toxiques. Ils peuvent être dangereux sur le plan physique et psychique.
De plus, leur consommation en France est prohibée et passible d'amendes importantes.
Où poussent les psilocybes ?
Vous pouvez trouver ces champignons dans le monde entier. Les psilocybes sont des saprophytes, c’est-à-dire que ces champignons se nourrissent des matières organiques mortes et en décompositions.
D’après le livre du mycologue américain Paul Stamets, “Psilocybin mushrooms of the world”, les psilocybes ont six habitats de prédilection : les prairies, les excréments d'animaux, les zones riveraines, les forêts et les terres brûlées.
Toutefois, ces champignons peuvent aussi pousser dans les jardins ou sur du compost.
Origine des psychédéliques
Les premières traces d'utilisation de champignons magiques sont très anciennes. Les peintures rupestres de la région de Kimberley datent d’il y a 12 000 ans.
D’après cet article du scientifique australien Jack Pettigrew, l’usage de ces champignons serait associé à des pratiques chamaniques. A cette époque, les peuples aborigènes prenaient ces champignons lors de cérémonies rituelles.
Au Sud-Est de l’Algérie, des peintures rupestres témoignent également de l’usage de champignons psychédéliques des populations indigènes. Dans une grotte de l’immense plateau de Tassili n'Ajjer, un dessin mural représente un homme chamane à tête d’abeille qui tient des champignons dans les mains. D’après ce travail de l'anthropologue Jean Loïc Le Quellec, cette œuvre serait un témoignage de l’usage rituel de champignons hallucinogènes à cet époque.
Les champignons sacrés des aztèques
Dans les civilisations précolombiennes, les champignons hallucinogènes ont une dimension sacrée. Ils sont considérés chez les Aztèques comme étant la “chair des dieux”, permettant de communiquer avec le monde divin.
La consommation de ces champignons se pratique également dans un cadre initiatique. Elle constitue une épreuve initiatique qui est récompensée par un élargissement de la conscience. Cette pratique rituelle a une fonction bien particulière dans ces sociétés archaïques. Elle crée un lien fort au sein de la communauté. En effet, les effets du champignon font naître des sentiments d’unité, d’harmonie et de communion, très utiles à la cohésion du groupe.
Dans son célèbre ouvrage, “Seeking the Magic Mushroom”, l'auteur et ethnobotanique Gordon Wasson relate des traces de ces usages rituels. En 1955, il participe à une cérémonie mazatèque au cours de laquelle il ingère un psilocybe. Il sera par la suite l'un des premiers en Occident à témoigner de cette pratique culturelle.
À cette même époque, un philosophe anglais du nom de Terence Mckenna fait connaître au monde occidental ces champignons. Ils affirment que ces champignons auraient même eu un rôle dans le développement de nos capacités cognitives.
La “Stoned Ape Theory” ou l'hypothèse du singe ivre
Cette hypothèse est décrite dans l’ouvrage “Food of the Gods” de l’auteur Terrence Mc Kenna. Elle stipule que la consommation de psychédéliques aurait joué un rôle essentiel dans le développement de l'esprit humain et de la culture.
Ainsi, lorsque nos ancêtres primates sortent de la jungle, ils commencent à chasser dans la savane. Pour cela, ils traquent leur gibier en suivant leurs empreintes ainsi que leurs crottes.
Dans les excréments de leurs proies, ils découvrent une espèce de champignons qu’ils consomment : le Psilocybe cubensis. Il s’agit du champignon psychotrope le plus réputé.
D'après Terrence Mc Kenna, la consommation de ce champignon par nos ancêtres aurait déclenché un processus d’évolution complexe. Cette évolution serait notamment à l'origine de la naissance du langage et du développement de l'empathie, permettant ainsi le renforcement des liens au sein de la communauté humaine.
L’action de la psilocybine sur les neurones
Tout d’abord, la psilocybine favoriserait la neurogenèse, la création de nouveaux neurones et connexions neuronales dans notre cerveau.
En effet, cette étude de l’Université de Yale réalisée sur des souris, montre que la psilocybine ferait augmenter de façon durable les connexions entre leurs neurones.
Cette neurogenèse est induite par une molécule : le BDNF (brain derived neural factor ou facteur neurotrophique dérivé du cerveau). Il s'agit d’une protéine très puissante qui stimule la production de nouvelles cellules cérébrales.
Les analyses IRM de la consommation de psilocybine indiquent que la psilocybine vient perturber un circuit neuronal qu’on appelle le “réseau de mode par défaut” (Default Mode Network) qui conditionne nos comportements. Ce circuit neuronal serait une sorte de “mode pilote automatique” de notre cerveau.
D’après cette étude scientifique de 2023 publiée dans The International Journal of Neuropsychopharmacology, l'altération de la connectivité dans ce circuit neuronal serait impliquée dans de nombreux troubles mentaux (dépression, anxiété, syndrome de stress post-traumatique, le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, schizophrénie et trouble obsessionnel-compulsif).
En raison de cette action sur ce circuit neuronal, la psilocybine permettrait notamment de prendre en charge des comportements addictifs ou dépressifs.
Les bienfaits potentiels de la psilocybine
La psilocybine agit sur le cerveau en activant les récepteurs de la sérotonine, une hormone associée au bien-être physique et mental.
La sérotonine joue un rôle important dans la régulation de l’humeur, du sommeil, ainsi que de la libido.
Or, les personnes qui souffrent de dépression ou d’anxiété ont généralement des taux de sérotonine plus bas que la moyenne.
Comme l’indique cet article scientifique du National institutes of health, la psilocybine aurait potentiellement un effet antidépresseur grâce à son action sur les récepteurs de la sérotonine.
Par ailleurs, des psychédéliques comme la psilocybine favoriserait la plasticité cérébrale.
Selon le chercheur Bryan Roth, professeur de pharmacologie à l'Université de Caroline du Nord, les psychédéliques comme la psilocybine créent des changements dans la connectivité des neurones. Ce processus crée un état de "conscience altérée" qui permettrait de sortir de certains schémas habituels de pensées et de comportements.
Cet effet de la psilocybine serait également bénéfique pour la réinsertion socio-professionnelle en diminuant les comportements antisociaux. Cette étude américaine de 2017, réalisée sur 480 000 prisonniers américains, a étudié la corrélation possible entre la consommation de psychédéliques et les comportements criminels. Les résultats montrent une diminution de 20% de récidives chez les détenus ayant pris de la psilocybine.
Risques des psilocybes
La consommation de ces champignons peut provoquer des “bad trip” qui peuvent causer des comportements très dangereux ou des troubles mentaux persistants.
Par ailleurs, la consommation de ces champignons comporte aussi des risques sérieux d'empoisonnement accidentel en cas d’erreur d’identification.
En effet, ces champignons peuvent parfois être confondus avec des espèces potentiellement mortelles comme l'amanite panthère ou la galère marginée.
Conclusion
Les psilocybes sont des champignons hallucinogènes. Vous les connaissez probablement sous le nom de “champignons magiques”.
L’ingestion de ces champignons provoque des hallucinations qui proviennent d’une substance psychoactive : la psilocybine.
Longtemps consommés chez les peuples indigènes, ces champignons connaissent un intérêt croissant en Occident depuis la révolution psychédélique dans les années 1960.
Des études scientifiques voient dans la psilocybine un potentiel intéressant dans le traitement de certaines maladies mentales comme la dépression.
Rappelons toutefois que la consommation de ces champignons est interdite en France et passible d'amende.
Sources et références
Gattuso, J. J., Perkins, D., Ruffell, S., Lawrence, A. J., Hoyer, D., Jacobson, L., Timmermann, C., Castle, D., Rossell, S. L., Downey, L. A., Pagni, B. A., Galvão-Coelho, N. L., Nutt, D., & Sarris, J. (2022). Default Mode Network Modulation by Psychedelics : A Systematic Review. The International Journal of Neuropsychopharmacology, 26(3), 155‑188. https://doi.org/10.1093/ijnp/pyac074
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Pettigrew, J. D. (2011). Iconography in Bradshawb Rock Art : Breaking the circularity. Clinical and Experimental Optometry, 94(5), 403‑417. https://doi.org/10.1111/j.1444-0938.2011.00648.x
Psychedelic spurs growth of neural connections lost in depression. (2021, 9 juillet). YaleNews. https://news.yale.edu/2021/07/05/psychedelic-spurs-growth-neural-connections-lost-depression
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