Enthéogènes : aux origines de leur utilisation dans la spiritualité

Enthéogènes : aux origines de leur utilisation dans la spiritualité

Si je vous parle de psychédéliques, à quoi pensez-vous ?

Vous imaginez peut-être un trentenaire habillé d’une chemise hawaïenne qui fume un pétard ?

Difficile de se représenter un homme sérieux en costume, prêt à s’enfiler des champignons hallucinogènes ?

Et pourtant, le grand émissaire des psychédéliques aux Etats-Unis était banquier.

Dans les années 1950, Gordon Wasson découvre au Mexique, lors de cérémonies rituelles, l’usage de champignons magiques.

Il raconte dans un article publié dans le magazine Life en 1957 son expérience spirituelle.

Comment expliquer cet écart entre l’image des psychédéliques véhiculée par les médias et leur usage dans la réalité ?

Je ne dis pas que l’usage purement récréatif des champignons magiques n’existe pas.

Toutefois, il existe une réalité tout autre. Depuis les origines du monde, des Hommes se sont questionnés sur le sens de leur existence. Ils ont même parfois consommé des substances hallucinogènes pour répondre à ces interrogations. C’est de cela que je souhaite vous parler dans cet article.

Je vous emmène avec moi dans une quête existentielle dans laquelle les champignons tiennent une place centrale.

Qu’est-ce qu’un enthéogène ?

Un enthéogène est une substance psychoactive qui s'utilise à des fins religieuses, spirituelles ou chamaniques. Il peut s’agir de plantes comme l'iboga ou de champignons tels que le Psilocybe mexicana.

En raison de son activité psychotrope, un enthéogène provoque des états modifiés de conscience.

Il peut même conduire à générer un sentiment de Dieu. Certains auteurs tels que l'archéologue John Marco Allegro affirment même que la consommation de ces substances aurait fait naître des religions.

Ainsi, loin de leur image amusante véhiculée à la télé, ces substances s'utilisent à l'origine dans un cadre très sérieux.

Par exemple, chez les Mazatèques au Mexique, les champignons magiques se prennent lors de cérémonies rituelles.

Dans la suite de l’article, je vous propose de découvrir la liste des principaux enthéogènes connus à ce jour.

Les champignons hallucinogènes

D’après des fouilles archéologiques menées au Guatemala au Sud-est du Mexique, le culte des champignons remonterait à 1000 ans avant notre ère. D’après les récits des conquêtes espagnoles, ces champignons occupent même une place centrale dans la vie religieuse des populations indigènes à cette époque.

Dans ses récits de l’usage des champignons à psilocybine, l’auteur Gordon Wasson fait découvrir au grand public les pratiques religieuses archaïques au travers de la poétesse chamane Maria Sabina.

L'ibogaïne

Cette substance est de la poudre d’une écorce de racine de Tabernanthe iboga. L'ingestion de la substance chimique de cette écorce, l’ibogaïne, conduit à un état de rêve extatique comparable à une expérience de mort imminente. D’après les divers témoignages, la consommation de l'iboga provoque ensuite des visions béatifiques.

Au Gabon, la communauté religieuse bwiti utilise une substance enthéogène lors de sessions initiatiques de trois jours. Lors de la période coloniale, des missionnaires tentent de supprimer cette religion indigène en détruisant les temples et chefs religieux de ce mouvement.

Cependant, après la proclamation de la République gabonaise, le bwiti obtient presque le statut de religion d'État. La pratique rituelle utilisant l’iboga devient même un vecteur d'unification utile.

L'ayahuasca

L'ayahuasca est une préparation hallucinogène qui contient un mélange de plantes amazoniennes. Dans sa forme canonique, l’ayahuasca est un mix d’une vigne (Banisteriopsis caapi) et d’une plante (Psychotria viridis) qui contient une substance psychotrope puissante : la DMT. Dans la culture amazonienne, l’ayahuasca est un outil de guérison puissant des chamanes.

Aujourd’hui, cette plante est très populaire chez les touristes. Certains sont engagés dans des quêtes spirituelles authentiques. D’autres sont simplement à la recherche de sensations fortes.

Cette consommation de l'ayahuasca a conduit au développement de mouvements religieux au Brésil tels que le Santo Daime, fondé vers 1940, et l'Uniao do Vegetal (UDV), fondée en 1961. Les membres de ces groupes religieux consomment la préparation hallucinogène une à deux fois par mois lors d’occasions spéciales.

La consommation de cette plante a longtemps été stigmatisée par le pouvoir. Cependant, le gouvernement brésilien accorde une autorisation légale provisoire en 1986, puis définitive en 1992, pour l'usage religieux de l'ayahuasca et de ses plantes équivalentes.

Le peyotl

Le peyotl est un cactus hallucinogène d’Amérique qui s’utilise depuis au moins 2 000 ans.

Il contient une substance psychotrope qui s’appelle la mescaline. Ce cactus est consommé par le peuple indigène Huichol du Mexique à des fins sacramentelles.

Au fil du XIX ème siècle, ces pratiques à base de peyotl du Mexique commencent à se diffuser vers le nord dans plusieurs tribus indigènes des États-Unis.

Malgré de nombreuses critiques à l’égard des risques de la consommation de ce cactus, une commission de la Chambre des représentants des États-Unis affirme dans ce rapport que “le peyotl n'est pas nocif”. Celui-ci aurait été un facteur d’unité pour le peuple indigène dans un contexte social où l'alcoolisme fait des ravages.

Le soma

L’un des plus vieux textes de la littérature sanskrite fait référence à une potion hallucinogène : le soma. Cette boisson est même citée plus d’une centaine de fois. Elle serait bue par les prêtres et par les dieux afin de créer un lien entre la terre et le ciel.

Malgré de nombreuses recherches, le nom des plantes utilisées dans le soma est inconnu. Toutefois, d'après les spéculations de l’auteur Gordon Wasson, cette boisson aurait pu contenir un certain champignon hallucinogène : l'amanite tue-mouche (Amanita muscaria).

Le point essentiel reste qu’un enthéogène était au cœur de la recette du soma. Cet enthéogène aurait ainsi participé au développement de religions de l’Inde védique telles que l'hindouisme et le zoroastrisme.

Le kykéon

Les psychédéliques sont aussi impliqués dans certaines religions à mystères.

Dans la religion grecque antique, un rite étrange se déroule dans le temple de Déméter à Éleusis.

Ce rite à dimension initiatique implique la consommation d’un breuvage psychédélique : le kykeon.

D'après les recherches de Gordon Wasson, cette boisson contient des substances enthéogènes apparentées au LSD.

Le LSD

Le LSD est inventé par le chimiste suisse Albert Hofmann. Tout d’abord, cette drogue hallucinogène s’utilise dans le cadre psychiatrique pour soulager des patients souffrant de troubles anxieux, dépressifs ou d’addictions. Puis, sa consommation sort du cadre médical dans les années 1960. Lors de la révolution psychédélique, cette drogue se consomme dans un but essentiellement récréatif lors des raves. Toutefois, la plupart des personnes qui prennent cette drogue le font en dehors de tout contexte culturel ou religieux traditionnel.

La MDMA

La MDMA est une drogue de synthèse, aussi connue sous le nom d’ecstasy. C'est une drogue analogue aux amphétamines qui provoque de puissants effets hallucinogènes. Elle agit sur la chimie du cerveau en libérant une quantité importante de sérotonine. 

La MDMA s’utilise dans les années 1970 dans le cadre de psychothérapies. Puis, sa consommation se développe au sein de clubs de danse, dans des environnements peu contrôlés. Cela conduit à son interdiction aux Etats-Unis dans les années 1970.

Bien que la consommation de MDMA se fasse essentiellement dans les milieux festifs, certains théologiens relèvent la nature spirituelle de cet état extatique.

Le cannabis

Le cannabis est l’une des plantes les plus anciennes et les plus cultivées au monde. Cette plante s’utilise dans de nombreuses cultures comme aliment, médicament, fibre, et plante sacrée ou “plante maîtresse”. On raconte que le cannabis a été consommé dans certains contextes religieux taoïstes, védiques et soufies pour accompagner des prières ou rituels.

Aujourd’hui, le cannabis se prend surtout comme une drogue récréative. Toutefois, certaines communautés religieuses comme les coptes, rastafaris ou hindous continuent d’avoir un rapport sacré à cette plante.

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