Pourquoi certains champignons étaient utilisés dans les cultures chamaniques ?
Dans de nombreuses cultures et civilisations anciennes, les champignons psychédéliques tiennent une place particulière.
Considérés comme sacrés, ils s’utilisent dans des rituels ou cérémonies religieuses à des fins d’explorations spirituelles.
Par exemple, dans la tribu des Samis en Laponie, un certain champignon hallucinogène s'utilise pour communiquer avec les dieux. Cependant, les champignons n’avaient pas un rôle exclusivement spirituel.
Ces cultures se servaient aussi des champignons pour leurs propriétés médicinales. Ainsi, un champignon comme le reishi a été utilisé dans la tradition asiatique depuis des milliers d’années pour ses bienfaits sur la santé.
Dans cet article, je vous propose de découvrir la signification symbolique des champignons dans les traditions spirituelles.
Les champignons sacrés chez les Mayas
Dans les rituels religieux des civilisations précolombiennes, les champignons magiques tiennent une place importante.
Chez les aztèques et les mayas, la consommation de champignons hallucinogènes est un moyen de communiquer avec le monde divin.
D’après cette article espagnol de 2015 publié dans la revue Neurología, l'utilisation de plantes psychotropes est courante dans les sociétés précolombiennes.
Encore aujourd’hui, ces substances sont utilisées par des chamanes en Amérique latine dans le cadre de cérémonies rituelles.
Les champignons dans la mythologie grecque
En Grèce antique, les champignons sont souvent associés à la magie ou à des divinités. Ils symbolisent quelque chose de la vie originelle, dans son voisinage avec la mort et la communication entre vie et mort.
Dans un célèbre récit mythique, les champignons sont à l’origine de la création de Mycène à l’âge de bronze.
Le personnage à l’origine de cette histoire de la mythologie grec est le héros Persée, fils de Zeus.
Fatigué par un long voyage, Persée décide de faire une pause près d’une rivière.
Il y trouve alors un champignon dont il utilise le chapeau pour boire l’eau de la rivière.
Voyant que cette région est propice à la vie, il décide alors d’y créer la ville de “Mycène”.
Depuis cette histoire, les champignons représentent en Grèce antique la main des dieux.
Ils sont capables à la fois de nourrir les hommes lors des périodes de famine ou de les intoxiquer.
Ils se rapprochent de l’image du dieu romain Janus, dieu du passage et des portes.
Champignons et cultes à mystères en Rome antique
Avez-vous entendu parler des Mystères d’Éleusis ?
Il s’agit d’un culte à mystère datant de l’époque gréco-romaine. Ce culte, de nature ésotérique, se déroulait dans le temple de Déméter et Eleusis, en périphérie d’Athènes. Il intégrait la consommation d’une boisson sacrée appelée “kykeon”, à base d’orge et d’une herbe médicinale appelée “pennyroyal”. Et d’après les scientifiques, l’orge de cette boisson était volontairement contaminé par un champignon vénéneux : l’ergot de seigle.
Ce champignon mortel est bien connu dans le monde des psychédéliques. Il contient des composés similaires au LSD qui provoquent des hallucinations.
D’autres scientifiques affirment que la boisson contenait à la place de la psilocybine ou des plantes psychotropes.
Lors des cérémonies initiatiques, les participants étaient invités à consommer le kykeon afin de goûter aux mystères de la vie et de la mort. L’initiation visait à aider les participants à surmonter la peur de mourir afin de réaliser le but de leur vie.
Les champignons dans le chamanisme sibérien
D’après cet article de 1989 publié dans le Journal of Ethnopharmacology, les champignons jouent un rôle clef chez les peuples de Sibérie dans la compréhension des mystères du monde. Ils sont un moyen d’entrer en rapport avec le monde spirituel et d'interpréter les rêves.
Ainsi, dans la tradition chamanique de Sibérie, l’usage des champignons psychédéliques n’est pas rare. Ils seraient même à l’origine des fêtes de Noël.
En effet, chaque hiver, le chamane de la tribu partait cueillir de mystérieux champignons hallucinogènes appelés “amanite muscaria”.
Il trouvait ce champignon sous un conifère bien connu des forêts du nord de l’Europe : l’épicéa.
Cependant, en raison de la teneur en eau de ces champignons, le chamane devait les faire sécher pour pouvoir les consommer.
Pour cela, le chamane faisait sécher ces champignons à la lumière du soleil en les accrochant aux branches de l'arbre.
Et lors des périodes hivernales, il faisait des tournées de tribus en tribus pour initier les hommes aux vérités de ce monde grâce à ce champignon.
D’après cette étude de 1992 publiée dans The Journal of the Finnish Mycological Society, les cérémonies chamaniques incluent des pratiques comme le jeune ainsi que le port de tenues spécifiques. Les champignons sont un élément central dans le déroulement du voyage chamanique. Ils aident le chamane et les participants à accéder à une sagesse ancestrale.
Le symbolisme des champignon dans les cultures autochtones d’aujourd’hui
Les champignons gardent une place très importante aujourd’hui dans les cultures autochtones.
L'usage des champignons dans la culture africaine
En Afrique, les champignons possèdent une signification spirituelle. La consommation de champignons psychédéliques est un moyen d’entrer en relation avec le monde des esprits.
Selon cette étude de 2011, les premières traces de consommation de champignons hallucinogènes en Afrique proviennent du peuple des Yorubas au Nigéria. Or, le colonialisme a fait perdre une grande quantité de connaissances liées à ces pratiques rituelles.
Aujourd’hui, bien que ces pratiques soient peu documentées, il est très probable qu'elles se poursuivent en Afrique. D’après certains ethnomycologues, ces champignons psychédéliques s’utilisent par des chamanes ou guérisseurs pour aider des individus à dépasser leurs peurs et accéder à des connaissances supérieures.
Les champignons hallucinogènes au Mexique
La consommation de champignons psychédéliques au Mexique remonte aux civilisations précolombiennes.
En 1486, peu avant la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, un moine dominicain relate une scène étrange au Mexique.
Le missionnaire et historien espagnol, Diego Durán, vit alors au Mexique.
Il a quitté son pays natal à l’âge de 5 ans pour une grande mission.
Il travaille à l'évangélisation des populations indigènes. Pour mieux comprendre l'idolâtrie de ces populations aux divinités locales, il étudie leur culture.
Dans l’un de ces récits voyage, il témoigne de la consommation de champignons hallucinogènes dans ce pays.
Il relate même qu’en 1486, des champignons psychotropes appelés “chair des dieux” sont servis lors du couronnement d’un empereur astéque.
Or comme l’indique cet article du média indépendant The Conversation, les colons voient ces coutumes d'un mauvais œil. À l’époque des conquêtes espagnoles de l'Amérique, ces pratiques sont diabolisées par les moines évangélisateurs et tombent peu à peu dans l’oubli.
Dans les années 1950, un banquier new-yorkais du nom Robert Gordon Wasson découvre que l'usage de ces champignons existe toujours. Il identifie l’usage rituel de champignons hallucinogènes chez le peuple indigène des Mazatèques.
Les champignons en Amérique du Nord
La consommation de psychotropes est une pratique culturelle présente chez les autochtones d'Amérique du Nord. Ces champignons s’utilisent dans le cadre de cérémonies religieuses. Ils sont considérés à la fois comme des plantes spirituelles et médicinales.
Cet article de 2005 d’une revue scientifique américaine relate l’utilisation de champignons par la tribu Ajumawi à des fins spirituels. Les chamanes de cette tribu se servent d’un champignon toxique pendant les cérémonies religieuses : l'amanite panthère. Ce champignon leur permettrait de voir les divinités de la nature.
L’ère psychédélique en Occident
Les années 1960 voient naître le mouvement de la contre-culture en Occident. Les Occidentaux retrouvent de l’intérêt pour la spiritualité. C’est dans ce contexte que se développe de nombreuses recherches autour de l’usage des psychotropes dans les cultures traditionnelles. Les champignons magiques sont à la fois le vecteur d’une exploration spirituelle et thérapeutique chez les occidentaux.
L’auteur et psychologue américain Timothy Leary est l’un des militants des psychédéliques à cette époque. Il est notamment un fervent défenseur du LSD pour son usage spirituel et thérapeutique.
Aujourd’hui, les psychédéliques trouvent un regain de popularité dans le monde entier. En France, des auteurs comme le Dr. Olivier Chambain ouvrent un chemin dans le champ des médecines psychédéliques.
Les champignons dans les traditions asiatiques
Les drogues font l’objet en Asie d’une très forte réglementation. Pour cette raison, il existe aujourd’hui peu de traces de l’usage de champignons psychédéliques dans ces cultures.
Toutefois, nous savons aujourd’hui que les psychédéliques ont joué un rôle important dans ces traditions.
Un texte sacré de l’hindouisme, le rig-veda, mentionne à plusieurs reprises une plante et un breuvage rituel appelée Soma.
Selon ce récit, le soma joue un rôle important dans la création du monde par les dieux.
Vous vous demandez bien ce que contenait cette mystérieuse boisson ?
Selon l’auteur Gordon Wasson, la base de ce breuvage était un champignon du nom d’ amanite muscaria.
Un champignon qui se développe de façon symbiotique avec les pains et les bouleaux dans une grande partie de la zone tempérée du Nord.
De même, les champignons psychotropes auraient aussi eu une place dans certains rituels bouddhiques, notamment dans le tantrisme ou bouddhisme vajrayāna.
A défaut d’avoir une pratique documentée des champignons enthéogènes, les pays asiatiques ont une connaissance très fine des propriétés médicinales des champignons. Ils se servent couramment de champignons médicinaux dans leurs médecines traditionnelles.
En médecine chinoise par exemple, le reishi est considéré comme un véritable trésor pour la longévité. À ce titre, il est surnommé “champignon d'immortalité”ou “champignon de longue vie”.
Conclusion
Les champignons psychédéliques ont joué un rôle fondamental dans des cultures traditionnelles du monde entier.
Ils étaient un moyen pour les peuples indigènes de se relier au monde spirituel et de soigner certaines affections.
Aujourd’hui, il existe un renouveau de ces usages. Les psychédéliques ouvriront peut-être un chemin d’éveil dans nos sociétés ?
Sources et références :
Buckskin, F. (2005). The contemporary use of psychoactive mushrooms in Northern California. https://escholarship.org/uc/item/4qr081cm
Carod-Artal, F. J. (2015). Hallucinogenic drugs in pre-Columbian Mesoamerican cultures. Neurología, 30(1), 42‑49. https://doi.org/10.1016/j.nrleng.2011.07.010
Exbalin, A. (s. d.). Discovering hallucinogenic mushrooms in Mexico. The Conversation. https://theconversation.com/discovering-hallucinogenic-mushrooms-in-mexico-115033
Oyetayo, O. V. (2011). Medicinal uses of mushrooms in Nigeria : Towards full and sustainable exploitation. African Journal of Traditional, Complementary and Alternative Medicines, 8(3). https://doi.org/10.4314/ajtcam.v8i3.65289
Petri. (1992, 24 novembre). Religious use of hallucinogenic fungi : A comparison between Siberian and Mesoamerican cultures | Karstenia. https://karstenia.fi/religious-use-of-hallucinogenic-fungi-a-comparison-between-siberian-and-mesoamerican-cultures/
Saar, M. (1991a). Ethnomycological data from Siberia and North-East Asia on the effect of Amanita muscaria. Journal of Ethnopharmacology. https://doi.org/10.1016/0378-8741(91)90002-u
Saar, M. (1991b). Ethnomycological data from Siberia and North-East Asia on the effect of Amanita muscaria. Journal of Ethnopharmacology. https://doi.org/10.1016/0378-8741(91)90002-u
Dunn, R. R. (2020). The Fantastical Lives of fungi Entangled life : How fungi make our worlds, change our minds, and shape our futures Merlin Sheldrake Random House, 2020. 368 pp. Science. https://doi.org/10.1126/science.abb5841
Laisser un commentaire
Tous les commentaires sont modérés avant d'être publiés.
Ce site est protégé par reCAPTCHA, et la Politique de confidentialité et les Conditions d'utilisation de Google s'appliquent.