Avez-vous déjà fait l’expérience de vivre plusieurs fois une même situation en reproduisant exactement la même erreur?
Ce genre de situation peut se produire lors d'un dîner familial ou un repas entre amis par exemple. La discussion s’envenime comme toujours sans que vous soyez capable de changer quoi que ce soit. Moi je tombe souvent dans le panneau. Ce genre d’expérience peut être profondément aliénante.
La vie est parfois faite de situations qui se répètent de façon infernale. La bonne nouvelle est qu’il est possible de sortir de cet enfer. J’aimerais ici vous proposer un cadre pour sortir de vos schémas habituels.
Le renoncement dans le bouddhisme, de quoi s’agit-il ?
Le renoncement du Bouddha
La vie du Bouddha Siddhartha Gautama se déroule en quatre étapes :
- La jeunesse. Siddhartha est fils de brahmane. Il grandit dans le luxe du palais familial. Ses parents espèrent qu’il devienne un jour roi. Cependant Siddhartha souhaite aller à la rencontre du monde.
- Quatre rencontres. En grandissant, Siddhartha décide de quitter le palais familial. Il fait alors quatre rencontres décisives qui l’amènent à s’interroger en profondeur sur l’existence humaine. Il rencontre tout d’abord un vieillard, puis une personne malade, un défunt et enfin un ascète.
- Le renoncement. Après cette sortie du palais, Siddhartha est hanté par les rencontres qu’il a faites dans le monde. Il décide alors de renoncer à son destin royal pour mener une vie d’ascète afin de libérer les êtres de la souffrance.
- L’éveil. Siddhartha quitte un jour ses compagnons renonçants et se décide à pratiquer la méditation jusqu’à vaincre les causes de la souffrance des hommes. Après une longue méditation Siddhartha atteint l’éveil. Il devient celui qui a vaincu les conditionnements de la souffrance humaine : l'attachement, l’agression et l'ignorance.
Une erreur de traduction fatale
Le bouddhisme est souvent présenté comme la voie du renoncement au désir en vue d’une libération spirituelle.
Or cette idée sur le bouddhisme n’est pas tout à fait juste. Elle provient d’une erreur de traduction.
Le terme sanskrit trishna généralement traduit par “désir” ou “passion” signifie plutôt la “soif inextinguible”, un désir qui ne s’assouvit jamais.
Ce que le bouddhisme met en cause est non le désir mais plutôt la “soif” (trishna) concernant essentiellement les biens ainsi que les plaisirs sensuels.
La soif (trishna) est le premier des trois poisons (trivisa) aux côtés de l’aversion (dvesa) et de l’ignorance (avidya), à l’origine de toute souffrance.
Pour en finir avec le « moi-moi-même et encore moi »
La tradition bouddhiste nous enseigne que le moi, cette idée d’une identité fixe, est une illusion.
La vie en société nous invite constamment à porter des masques. Nous pouvons à la fois porter le masque de parent, d'enfant, d’ami, conjoint, ou employé à tour de rôle.
Nous sommes souvent conduits à nous conformer à l’image que l’on se fait de nous même. Par exemple, moi je me suis construit l’image de quelqu’un de fiable, tolérant et plutôt sympa.
Or le bouddhisme nous enseigne que ceci est une fine construction résultant de nos expériences et nos interactions avec les autres. Il s’agit d’une illusion dont nous sommes les créateurs.
Le Bouddha enseigne que derrière ce moi, cette identité fixe, il existe quelque chose de plus vaste : le non ego (Anātman).
La pratique du non ego consiste à arrêter de vouloir se conformer à une identité fixe pour entrer en rapport avec le monde.
Au delà du bonheur
Il existe en Occident une course au bonheur. De nombreux rayons de librairie proposent des livres de développement personnel offrant les clefs d’une vie heureuse. Quelle réponse offre le bouddhisme à la quête du bonheur?
Le philosophe et écrivain, Fabrice Midal, nous met en garde contre le matérialisme spirituelle. Il s’agit de cette tendance à aller chercher un remède miracle qui permettrait de ne plus jamais souffrir.
D’après le maître du bouddhisme tibétain, Chögyam Trungpa, le Bouddha lui-même est tombé dans cet écueil de vouloir trouver un maître qui lui donnerait la recette du bonheur. Siddhartha Gautama fait alors la constatation que la recherche du bonheur est illusoire.
Le bouddhisme enseigne qu’aucun être humain n’échappe à la souffrance. Il s’agit de la première des quatre nobles vérités.
Le départ du chemin bouddhiste consiste à se mettre en rapport à cette souffrance pour avancer pas à pas dans l’existence. C’est alors en se confrontant à la souffrance que l’on peut faire l’expérience de la réalité véritable.
Renoncer pour laisser la place au changement
Nous venons de le voir, le bouddhisme offre un enseignement très riche pour changer nos perspectives sur la réalité. En dépassant la prison du moi, il aide à abandonner les illusions et les projections sur le monde. Et au travers de la pratique de la méditation, le bouddhisme permet de développer de l’agilité pour s’adapter aux situations et sortir de ses propres schémas comportementaux.
Nous allons voir ici en quoi renoncer peut créer les conditions pour que la vie change. Je vais prendre ici appui sur les travaux de l’auteur et philosophe François Roustang.
Renoncer à chercher les causes
Lorsqu’une personne souhaite changer sa vie, le premier réflexe est de rechercher les causes. Cette personne pourra ainsi se poser des questions comme : “Pourquoi j’en suis arrivé là?” ou “Qu’est-ce que j’ai fait de mal pour mériter cela?”.
Abandonner l’idée d’un “je”, qui maîtrise l’existence, offre la possibilité de lâcher prise. Selon François Roustang, c’est par l’abandon de la volonté de contrôle de l’existence qu’on devient disponible au changement.
Cette idée se rapproche du non agir taoiste (wu wei), qui consiste à faire cesser l’activité du mental pour se donner la possibilité de retrouver la réalité telle qu’elle est.
Cesser de réfléchir
Lorsqu’on est confronté à un problème complexe, le réflexe est souvent de s'entêter à vouloir le résoudre. Or se focaliser sur le problème peut parfois avoir pour effet de faire empirer le problème. Voici une citation du philosophe Ludwig Wittgenstein afin d'illustrer cette idée :
«Lorsqu’on sent que l’on se heurte à un problème, il faut cesser d’y réfléchir davantage sans quoi on ne peut pas s’en dépêtrer. Il faut plutôt commencer à penser là où on parvient à s’asseoir confortablement. Il ne faut surtout pas insister ! Les problèmes difficiles doivent tous se résoudre d’eux-même devant nos yeux.»
Carnets Secrets 1914-1916, Ludwig Wittgenstein
Lorsqu'on rencontre un problème compliqué dans notre vie, François Roustang nous invite tout d’abord à cesser la réflexion et abandonner même l’idée d’un résultat. Lorsque quelqu’un n’attend plus rien, il s’ouvre alors à quelque chose d’autre. Il “laisse venir les forces vives”.
Cette idée est proche de la thèse développée Eugen Herrigel dans son ouvrage, Le zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc. L’auteur y décrit comment dans la pratique du tir à l’arc au japon le tireur renonce à mettre son moi au premier plan pour entrer dans un rapport avec le monde. L’oubli de soi conduit alors vers un sentiment de profonde sérénité, au-delà de la dualité. Selon François Roustang, en créant cette disposition d'esprit, on laisse alors la place pour que la vie change.
Sources et références :
Marine Manouvrier, 2019, Vivre, méditer, agir : Confucianisme, taoïsme, bouddhisme pour aujourd’hui
Marine Manouvrier, 2015, Le Bouddhisme pour les nuls
François Roustang, Savoir attendre pour que la vie change, 2006
Eugen Herrigel, 1948, Le zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc
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